DE LA PERCEPTION DU TERME "CALDOCHE" POUR DESIGNER NOTRE APPARTENANCE AU PAYS
MANIFESTE POUR UNE VALORISATION DU QUALIFICATIF IDENTITAIRE CALDOCHE
La première fois que j'entendis parler de « Caldoche » c'était au début des années 1950, cela venait d'un brave « zoreille » fraichement débarqué. Il avait été embauché pour assurer la gestion d'un nouvel établissement hôtelier construit sur l'Anse-Vata, le premier, qui n'avait pas d'enseigne et que l'on appelait communément les Bungalows de l'Anse-Vata. Ces derniers existent toujours et se situent derrière l'hôtel Nouvata.
J'avoue que, quelque peu perplexe sur le moment, je n'eus malheureusement pas l'idée de lui demander d'où il tenait ce qui, à l'époque, pouvait être considéré comme un néologisme.
Une chose est certaine c'est qu'il s'agissait d'un matériau importé.
Il y eut depuis, plusieurs versions sur l'origine de cette siglaison, mais aucune à ma connaissance ne peut se prévaloir d'une priorité indiscutable, à moins que............
Le terme caldoche mit beaucoup de temps à s'imposer et on peut attribuer cela au fait que nombreux sont ceux, parmi les désignés, qui y voyaient une connotation péjorative du fait d'un suffixe employé par ailleurs dans le but de dévaloriser (moche, boche, valoche, fastoche......)
D'aucuns préféraient que l'on utilise le substantif « Calédonien », ils oublient bien vite que tous les habitants de la « Calédonie » sont des calédoniens, les Canaques y compris, et que ce serait une façon de pratiquer l'ostracisme, attitude à bannir entre toutes.
Mon intervention aujourd'hui consiste à vous convaincre que les mots n'ont que l'importance que l'on veut bien leur donner.
Si leur utilisation n'est pas assortie d'une intention de nuire, si au contraire, elle détermine la condition et la valeur d'une composante d'un peuple qui mérite la considération, alors nous pouvons être fiers d'appartenir à cette composante, dusse-t-elle s'appeler « Caldoche ». Afin d'illustrer mes affirmations, je vous renvoie ni plus ni moins à la démarche de nos frères canaques et des leaders de l'Union Calédonienne à la fin du siècle dernier.
Il faut savoir qu'initialement le terme « Canaque » est originaire de la Polynésie, de Hawaï plus particulièrement, car c'est là que les premiers explorateurs européens en entendent l'expression. Elle désignait les gens du pays.
Par la suite ces mêmes européens la véhiculent à travers le Pacifique pour dénommer les populations d'origine de toutes les iles, de la Polynésie à la Mélanésie.
En Nouvelle Calédonie et au début de la colonisation, le qualificatif « canaque » (c'est ainsi qu'il était orthographié en français) avait une signification négative, à la limite du méprisant, c'était un des jurons favoris du capitaine Hadock.
Avec beaucoup d'autres, j'ai assisté à cette véritable croisade qui, débutant un peu avant les années 1970 et passant par Mélanésia 2000, la revue Kanaké puis enfin le rythme Kaneka, conduisit à la métamorphose de canaque en kanak. La démarche n'avait rien d'évident au départ, car nombreux étaient ceux qui (à l'instar de certains caldoches aujourd'hui) se braquaient sur la version dévalorisante héritée de la période coloniale. Il fallut beaucoup de courage et de détermination, à certains que j'ai bien connus, pour convaincre que in fine, l'aventure aboutirait à l'acceptation unanime que l'on connait à présent, avec en prime un sentiment de fierté légitime.
Ce qu'ils ont fait, on peut le faire, il ne tient qu'à nous de tenter semblable aventure.
Débarrassons-nous de l'idéologie abstraite et négative des mots et prenons l'initiative d'une action identitaire destinée à valoriser le fait « Caldoche » et la condition de tous ceux qui se reconnaissant derrière ce vocable.
A ce propos, et si l'on s'en tient à la définition du Petit Larousse, est Caldoche tout blanc de Nouvelle Calédonie de souche coloniale. C'est aller un peu vite en besogne et visiblement les rédacteurs font l'impasse sur les faits et méfaits du temps et de l'histoire. En ce qui me concerne, je fais partie de ceux qui pensent qu'aujourd'hui peuvent être qualifiés de caldoches tous les résidents (hormis les Kanak, mot invariable, toujours selon le Petit Larousse) vivant, travaillant et investissant en Nouvelle-Calédonie et qui n'envisagent pas de finir leurs jours ailleurs.
Ceci étant dit pour démontrer que ma suggestion intéresse beaucoup plus de monde qu'il n'y paraît au premier abord. Ceux qui revendiquent une composante distincte sont libres de leur choix et prennent leur responsabilité.
Il reste le plus difficile à faire, j'en suis conscient, à savoir montrer que nous aussi, nous sommes capables de courage et de détermination. En prime, nous aurons fait la preuve de notre capacité à prendre toute la place qui nous revient dans la construction du Destin Commun en Nouvelle-Calédonie.
Louis ESCHEMBRENNER
Citoyen Calédonien, d'appartenance caldoche.